Selon le livre du 75e de Saint-Joseph-de-Kamouraska « Au Fil des années », l’histoire de Saint-Joseph commence par la vie religieuse.

Une mission à Saint-André-Rivière

Dès le début du siècle, le besoin d’une mission située «dans les terres », c’est-à-dire, pour les résidents éloignés de leur église, s’imposait.

En 1904, une première demande de projet de formation d’une paroisse dans la queue de Saint-André a été rejetée. Nos ancêtres ne se sont pas découragés mais ont continué de faire des approches, d’écrire aux autorités, afin de montrer leurs besoins et les problèmes que leur apportait une pareille distance à parcourir pour se rendre à la messe, surtout l’hiver et le printemps.

Finalement, après plusieurs années d’efforts, en 1917, les autorités religieuses acceptent une mission à Saint-Joseph de Kamouraska. Son Éminence L.N. Bégin nomme l’abbé Joseph Laforest, vicaire à Saint-André et missionnaire à Saint-Joseph, les dimanches et jours de Fête.

Les activités de la mission ont débuté le 23 septembre 1917. Monsieur l’abbé Jules Gervais chante une première messe dans une chapelle aménagée dans la maison de Monsieur Auger; propriétaire du moulin à scie; situé tout près de cette résidence sur la rive nord de la rivière, celui-ci demeurait à Québec et « prêtait » ce local pour les fins de la mission. Aujourd’hui, c’est la maison de M. Laurent St-Pierre.

(Note : en 2010, la maison appartient à M. Sylvain St-Pierre, 114, Route de l’Église)

 

D’après les notes de M. Robert Morin (1919 – 2004)

Les premières concessions de terre faites dans ce qui se nomme aujourd’hui Saint-Joseph remontent vers 1825.

Deux familles venant du Cap St-Ignace, une famille Chénard établie sur la ferme aujourd’hui ancêtre de M. Pierre Chénard (Référer au livre de la famille Chénard.)

À la même époque, M. Onésime Bélanger venait aussi de Cap St-Ignace. Il a beaucoup voyagé dans sa jeunesse. M. Bélanger a servi la marine dans la milice du Bas Canada, a assisté à la bataille de Châteauguay sur les ordres de Salaberry contre les américains en 1812. Après tous ces voyages, il a remonté la rivière partant de Rivière-du-Loup pour prendre la première concession libre, construire un camp au bord de la rivière, aujourd’hui la ferme de Carl et Robin Lapointe (163, rang 5 Est).

La génération de Bélanger s’est succédée jusqu’en 1914. M. Isidore Bélanger vend la ferme à M. Ludger Nadeau, grand oncle de Lauréat. En 1921, il vend la ferme pour aller s’établir à Sutton, comté de Brôme, et M. Philippe Lapointe, père de Bertrand en fait l’acquisition.

Début de la paroisse

25 ans avant la fondation de la paroisse, M. Édouard Ouellet a été chercher le curé de Saint-André, M. Dauteuil, pour administrer un malade dans le rang. En retournant à St-André et en passant là où est l’église de St-Joseph aujourd’hui, M. le curé a dit à mon grand-père Édouard Ouellet, « Ici il y aura une église. Moi je suis trop vieux pour voir cela, mais Édouard tu verras une église ici ».

Les habitants sont divisés

À ce moment, la population est divisée. Un groupe veut demeurer à St-Alexandre, un autre groupe veut rester à Ste-Hélène. St-André, eux, sont en faveur à ce que l’église soit construite étant donné la grande distance de 8 ou 9 milles que doivent parcourir certains citoyens. Après mille difficultés, des chicanes, plusieurs ont vendu leurs terres.

Une vingtaine de familles ne voulant pas demeurer à l’ombre du clocher de l’église de Saint-Joseph se sont exilées aux États-Unis, ou dans les Cantons de l’Est. La plupart, pensant que la construction de l’église aurait mangé leur propriété, ont regretté leur geste. Ceux qui sont demeurés ici ont vécu aussi bien qu’ailleurs.

L’emplacement de l’église et la controverse

À un moment donné les gens du 3 e rang veulent se séparer de St-André dû aux mauvais chemins et à la grande côte de St-André. Ils veulent faire partie de la nouvelle paroisse mais à condition de construire l’église au 3 e rang, ce qui ne faisait pas l’affaire des gens du 5 e , du 6 e rang et du 7 e rang. Attendu que l’église va se construire au 5 e rang, les habitants du 3 e rang sont demeurés à Saint-André. Après la formation de la paroisse, beaucoup de gens du 3 e rang viennent à la messe à Saint-Joseph. Entre autres, la famille Arthur Ouellet, Calixte Côté, Lucien Raymond, Arsène Ouellet, Auguste Pelletier de la station, famille Paquin, etc. Le nom de Saint-Joseph est donné à la paroisse en l’honneur du premier curé, Joseph Laforest.

Église (mission, chapelle)

En 1916, fondation de la mission Chapelle dans la maison propriétaire du moulin Auger, aujourd’hui de M. Laurent St-Pierre (114, route de l’Église). M. L’abbé Joseph Laforest, vicaire à St-André vient chaque dimanche chanter la messe. Une cloche donnée par la fabrique de St-André, annonce l’office religieux et cela jusqu’à la construction de l’église commencée en 1919 et terminée en 1920. On transfère alors la cloche dans le clocher. En 1921, arrivée du carillon de 3 cloches venant d’Europe. Une cloche est donnée par M. le boss Joseph Desjardins de St-André, les deux autres par des paroissiens. Les cloches sont bénites le 4 septembre 1921.

St-André a fait beaucoup de cadeaux à l’église, une cloche, un corbillard, un catafalque (ornement d’église), etc.

La première messe à l’église en 1919 est célébrée à minuit. Antoinette Desrosiers fait l’honneur de ses talents de musicienne (institutrice à l’école du 4 e rang est.) Les servants de messe sont : Messieurs François Morin, Isidore Charest fils, Joseph-Michel Pelletier, Démétrius St-Pierre fils. Pavillon à la place de l’église Cardinal Bégin.

 

La vie des premiers habitants selon l’autobiographie de Délina l’Italien (1919-1997)

Je suis née en 1917. C’est donc dire que j’ai pas mal vu des anciennes choses. Mes parents étaient bons. On nous faisait la vie assez paisible pour le temps. L’argent était rare, mais jamais nous nous sommes couchés sans manger. Ce n’était pas toujours un repas de banquet mais comme c’était maman qui le faisait, nous trouvions cela bon.

Mes parents se sont mariés à Lewiston, Maine, aux États-Unis. Après, ils sont venus habiter sur une petite terre que possédait mon père dans le 5 e rang. À cette époque, il n’y avait ni électricité, ni automobiles. C’était avec des voitures tirées par des chevaux et cela, été comme hiver. Il n’y avait pas de tracteurs non plus. Tout se faisait avec des chevaux.

L’automne, c’était la saison des labours. On marchait en arrière d’une « team » de chevaux (c’était comme cela s’appelait dans le temps). Rendu au soir, ils était pas mal fatigués. Le printemps, la même chose pour les semailles. Je me rappelle que papa partait avec une chaudière à son bras pour aller semer le grain en pleine terre. Il avait un tour spécial pour ouvrir les doigts afin que le grain s’étende parfaitement. Il y avait aussi le semage des pommes de terre (patates) qu’il fallait égermer après les avoir mis à sécher quelques heures. On les laissait tomber dans une raie de charrue. Il faillait compter les tous de charrue afin que les rangs soient d’égale largeur.

Après, venait le temps des foins. Il fallait le faucher (toujours avec des chevaux). Lorsque le terrain n’était pas fauché avec les chevaux, il fallait avoir recours à la petite faux et faucille. Lorsque le beau temps le permettait, on allait le retourner avec une fourche pour le faire sécher. Lorsqu’il était sec, le râteau le ramassait en andains, après quoi on faisait des veillottes pour charger dans un rack à foin. Il fallait l’arranger sur le voyage et le fouler lorsque le voyage était plein. On allait décharger dans la grange (j’en ai foulé ma part.).

Lorsque le grain était mûr, il fallait le faucher, soit à la petite faux ou avec la faucheuse et les chevaux. Après, on le mettait par petits tas au petit râteau à la main. Avant, il fallait le reculer pour pas que la faucheuse passe dessus. C’était beaucoup d’ouvrage mais on aimait cela. Ne connaissant pas autre chose et on était heureux.

Pour arracher les pommes de terre, on passait avec une charrue. On disait que c’était pour ouvrir les rangs. On passait en avant les pioches ou crocs; lorsque nos chaudières étaient pleines, on allait les verser dans des poches de jute pour ensuite les porter (celles-ci) à la cave. La paix et l’accord régnaient entre nous tous. On avait du plaisir. C’était comme un agrément de faire ces travaux-là.

Je me souviens un soir, on avait fait une grosse journée et papa me rencontre en entrant à la maison. Il me dit : « Ma petite chatte, es-tu bien fatiguée à soir? » Pour ne pas le peiner je lui ai dit « non » – un petit mensonge que Dieu m’a bien pardonné, j’espère…..

Après, c’était le battage du grain. Mes parents avaient acheté un engin à gazoline et un moulin à battre. On en mangeait de la poussière ! Ça, c’était de mon temps. Avant, le battage se faisait – il appelait cela battre au flot – mais je ne connais pas cela. Enfin, pour les hommes, il fallait faire le bois de chauffage. Pas question d’autre chauffage, il n’y avait pas d’électricité. Quand venait le temps de faire le lavage, il fallait faire chauffer l’eau sur le poêle avec un boller (boiler). C’était moins moderne qu’aujourd’hui, mais encore là, on ne connaissait pas mieux et on était heureux avec nos bons parents, frères et sœurs.

Et pour les longs soirs d’hiver, maman était musicienne. Elle avait un harmonium – piano et, le soir, lorsque les veilleux arrivaient, c’était les cartes à jouer, ensuite du chant et de la musique. C’était à peu près la même chose partout excepté que l’harmonie n’était pas partout la même chose. Ça, c’était à l’époque où l’on était complet. Après, mes sœurs se sont mariées. La deuxième n’aimait pas l’ouvrage de cultivateur; elle préférait la ville.

Il me faut revenir en arrière sur les soirées d’hiver. Le deuxième de mes frères jouait de l’accordéon, de la musique à bouche et du violon. Ce qui attirait beaucoup de veilleux. Moi, beaucoup plus tard, j’avais appris la note du plein chant et un de mes cousins, avec un ami, venaient faire repasser les messes du dimanche. Ils étaient chantres dans la chorale. Ce n’était pas une chorale comme celle d’aujourd’hui, mais les gens étaient plus pieux qu’aujourd’hui. Tout le monde allait à la messe; il fallait aller à confesse souvent. On sortait du confessionnal à la figure de tout le monde. Ce pauvre confessionnal, ce qu’il a pu en entendre des niaiseries dont tout cela était pris comme des péchés véniels. Là aussi, cela a bien changé.

Nous revenons en arrière un peu. Le plus vieux de mes frères avait acheté un cheval sauvage. Il y en avait en char venant de l’ouest canadien. Mon frère un avait choisi un beau : rouge avec un fil blanc dans la face. Ce qu’il lui en a fait voir de toutes les couleurs ! Au moindre petit bruit, il partait en peur ! Ce qu’il en a fait des « carpèches » ! Une fois, je me rappelle, il était parti avec un train (wagon). J’étais assise sur le perron seulement, et voilà mon « ouest » qui part en peur. Comme mon frère avait les rennes, il n’a pas lâché, mais les roues du wagon lui ont passé sur les deux jambes. Mon autre frère – il avait des bras de fer – il s’est agrippé à la barre et n’a pas tombé. Il (le cheval) n’a pas vécu vieux et tant mieux, ce cher cheval!

Je veux parler aussi des autres animaux de la ferme. Il y avait environ dix vaches qu’il fallait traire à la main. Moi, j’ai demandé à la plus vieille de mes sœurs (j’avais 8 ans) – je voulais traire les vaches moi aussi. Comme elle était bonne, elle a dit oui, mais pensant me décourager. Elle m’a donné celle qui était la plus dure. Mais cela ne m’a pas découragé, puisque j’avais pu célébrer mes 60 ans à la traite des vaches ! La ténacité fait faire bien des choses.

Lorsque j’ai commencé à aller à l’école, j’étais gauchère et la maitresse d’école me faisait écrire de la main droite. Plus tard, lorsque j’ai appris le tricot, maman me faisait tricoter de la main droite. À part de ces deux choses là, c’est la gauche qui est en avant.

Maintenant, changeons de sujet. Lorsqu’à l’été venait le temps des fraises, ma sœur et moi partions avec des petits plats. À mesure que les fraises mûrissaient, on les rapportait à maman. Après, c’était au tour des framboises, ensuite des groseilles. Il y en avait beaucoup et elles étaient bonnes. Enfin c’était au tour des bleuets. Ce que j’en ai ramassé de ces petits fruits si délicieux. On en vendait .25 la chaudière de 20 livres . Cela c’était les premiers. Les années suivantes, cela avait monté un peu. C’était au marchand du coin que l’on vendait ces petits fruits. Par chance tout n’était pas cher. Une fois j’avais fait marquer quelque chose et une fois que mes bleuets ont été ramassés, j’ai descendu le même soir payer ce que je devais. Les dettes n’étaient pas faites pour moi. On restait dans le 6 e rang ouest; ça me donnait 2 milles, aller et retour. Ce que j’en ai fait de ces folies. Mais je ne regrette rien puisque c’était le beau temps.

J’aimais tellement mes parents. La principale raison si je suis encore fille, c’était à cause de cela. Maman m’avait dit un jour : « T’es pas plus chienne qu’une autre; il faut que tu te fasses ton avenir.» J’étais seule à la maison, les autres étaient mariés. Je lui ai répondu : « Qu’est-ce que vous ferez seule avec la besogne ? » Elle m’a répondu : « Cela s’arrangera ». Mais moi, je ne voulais pas la laisser. Je l’aimais beaucoup. Elle était si bonne ! Lorsqu’elle est décédée à la maison, elle avait 68 ans. Le prêtre qui l’a assisté à sa mort nous a dit : « Elle a fait la mort d’une sainte.» Aujourd’hui, je suis contente que cela soit arrivé de même. Elle n’a pas eu besoin de faire un stage à l’hôpital.

J’avais une de mes sœurs qui travaillait à Québec. Elle était descendue me porter secours. Elle avait presque toujours travaillé dans les hôpitaux et avait des connaissances dans la médecine. Moi, je lui préparais ses plateaux; elle me disait : «Lorsque je serai mieux, tu verras : je mangerai toutes ces bonnes choses.» La pauvre ! Elle avait un cancer au foie et, chose étrange, c’était sans douleur. Mais le docteur avait dit à ma sœur : « Lorsqu’il y a douleur, c’est parce qu’il a une autre maladie qui l’accompagne.» Le docteur avait dit aussi qu’elle pouvait faire six mois, un an; elle a fait six semaines.

Maintenant, laissons ce sujet triste pour parler d’autre chose. Après, ma sœur est retournée à son travail. Je suis restée seule avec mon frère, le plus vieux. Il m’avait demandé de rester avec lui. Comme il était bon pour moi. Je lui ai dit «oui» et voilà que toute ma vie a été remplie de choses joyeuses et de choses tristes. Une chose est certaine : je ne regrette rien de ce que j’ai fait. Mon frère est décédé à son tour et moi, j’ai resté seule.

J’ai vendu la terre à un voisin. À ce moment-là, le patron avait dit : « Ramenez votre lait et apportez-le moi. Je vais faire une façon de fromage que je distribuerai selon la pesanteur du lait apporté. Il avait fait cela gratuitement et nous, ça nous en avait donné 15 livres . Ce qu’il était bon ce fromage-là! Ce n’était pas comme celui qu’on achète en petit format. Je pense qu’il est trop raffiné; ça lui enlève le bon goût du vrai fromage.

Et pendant que je parle de produits laitiers, j’aimerais vous raconter un petit fait plutôt cocasse. Le matin, on allait à l’école, ma sœur, moi et mon petit frère. Lorsqu’il pleuvait, maman nous préparait un lunch qu’elle mettait dans une petite chaudière vide de graisse. Et ce matin-là, l’écrémage s’était fait de sorte que la crème avait été ramassée dans une petite chaudière pareille à celle de notre lunch. Ce qui avait fait que mon petit frère, au lieu de prendre la chaudière à lunch, il avait ramassé celle de la crème. Imaginez notre déception : de la crème pour dîner. Mon frère dit : « Je ne resterai pas sans dîner.» Il s’en retourne avec la fameuse chaudière de crème. Tant que pour ma sœur et moi, nous nous sommes passées du dîner. Ça c’est une chose que j’oublierai jamais, même si je devais vivre jusqu’à cent ans.

Voilà les principaux faits marquants de mon enfance. Dans mon enfance, j’ai été gâtée par ma sœur, la plus vieille de la famille. Ce qui arrivait pendant que les hommes faisaient mourir le cochon, ma sœur m’amenait dans sa chambre. Ce qui est étrange, j’étais trop petite pour comprendre. Je devais avoir un peu plus de deux ans et mon père, après avoir saigné le cochon, est entré à la maison pour se laver les mains qui étaient couvertes de sang. Là, je me suis mise à pleurer et à crier. Je pense que cela m’a marqué pour toute ma vie parce que j’ai toujours détesté lorsqu’il faisait la boucherie.

En terminant ce récit de ma vie tout simple, j’aimerais vous dire combien j’aimais tous les animaux, surtout les chats. Un dimanche après-midi, mes parents avaient la visite d’un couple de la paroisse voisine. Ils avaient un garçon de mon âge, très vilain. Lorsqu’il passait près de moi qui était assise sur les genoux de ma maman, me prenant des grosses pincées sur les jambes. Après, il est sorti dehors.

Il y avait toujours une chaudière rempli d’eau pour se laver les mains dehors lorsqu’il faisait beau; on avait aussi un beau petit minou. Mon malfaiteur a pris mon petit chat et il l’a noyé dans la chaudière. Lorsque ma sœur l’a surpris, il essayait de noyer la mère. Imaginez mon chagrin : mon petit minou que j’aimais tant ! La madame, voyant mon chagrin, nous avait fait parvenir une boîte de bonbons, mais cela ne remplacerais pas ce cher petit minou. Ce petit gars est resté impossible et en grandissant il a même fait de la prison.

Un autre petit fait au sujet des animaux. Nous avions une truie qui avait donné naissance à 12 petits cochons. Comme ces petits mangent toujours à la même place, elle n’avait des assiettes que pour dix. Voilà un était mort de faim. Mon frère avait eu recours à un vétérinaire. C’est lui qui nous avait renseigné à ce sujet. Il en restait un qui n’avait pas de place pour lui. Le vétérinaire avait dit : « vous pouvez toujours essayer de l’élever à la bouteille». C’est ce que j’ai fait. Je vous assure que ça pas été long à l’habituer au plat. Il voulait vivre. Il fallait que je me lève la nuit et faire chauffer son lait. Le lait de vache n’était pas la même chose; il me fallait mettre un petit peu d’eau et même un peu de sucre. On pense que les porcs n’ont pas d’intelligence. Ce petit m’ a donné la preuve du contraire. On le laissait avec les autres et pour le faire manger, mon frère avait une petite ouverture avec un petit panneau. Lorsqu’il entendait du bruit, je vous assure qu’il était là. Je le faisais sortir et il me suivait comme un petit chien. Je le faisais rentrer dans la maison et comme c’était du prélart, il avait de la misère à marcher. Il tombait et se relevait en criant. Pour lui faire monter les marches du perron, ça allait bien; mais quand il venait pour redescendre, il plantait casse-cou à chaque marche et il lâchait des petits cris. Lorsqu’il a été assez vieux, soit environ 4 à 5 semaines, à ce moment je ne le faisais plus sortir. Il était assez vieux pour sauver sa vie en volant la place des autres. Je ne voulais pas le gâter plus longtemps. Cela aurait été trop cruel de le voir partir pour l’abattoir. Moi qui n’aimais pas les cochons et je m’étais attaché à cette petite bête. C’est dire que tous les animaux domestiques se gâtent.

J’aime tous les animaux, surtout les bêtes à cornes. Des veaux, j’en ai élevé lorsque j’étais jeune. Les veaux, les hommes les tuaient à leur naissance. C’est moi qui ai demandé pour les élever. Mes parents gardaient seulement ce qui était pour remplacement. Je ne voudrais pas passer me vanter, mais j’avais des beaux veaux. Une fois, je me souviens, un commerçant était venu pour les acheter. Ils étaient assez éloignés de la maison et, en entendant ma voix, ils sont arrivés en courant. Pauvres petites bêtes! Ils ne savaient pas ce qui les attendait. Les vaches qui ont été vendues étaient des veaux que j’avais élevés. Mon frère m’avait dit d’en choisir une; je l’ai gardé jusqu’à ce que je descende demeurer au village. Elle était bien gâtée. C’était la plus belle.

Maintenant, je vais aborder un sujet que, sans doute, vous n’avez jamais entendu parler. Mes parents gardaient aussi des brebis. Le printemps lorsque venait le temps de la tonte, il fallait prendre les brebis une à la fois et l’amener sur le pont de la grange. Là, il fallait les jeter par terre et attacher leurs pattes afin qu’elles ne bougent pas pendant la tonte qui se faisait avec des ciseaux de maison. Ça prenait environ une heure et lorsque la brebis était dépouillée de sa toison de laine, c’était au tour de la suivante. Le pire, c’était ces pauvres petits agneaux; ils ne reconnaissaient plus leur mère, ça pleurait comme des petits enfants. Par chance, la mère les reconnaissait.

Après la tonte, il fallait laver cette laine. Il y avait un grand chaudron en fer, organisé pour faire chauffer l’eau. Après, lorsque la laine était lavée, il fallait la sécher sur des planches, afin que l’air puisse circuler. Après, lorsqu’elle était sèche, il fallait la ramasser pour en faire un ballot. Elle était prête pour la carderie qui était à 12 milles d’ici. Il fallait partir de bonne heure avec une voiture à cheval.

Lorsque la laine était cardée, il fallait la filer. Je m’en souviens bien. Maman avait la chaise et son rouet et les deux petits chats allaient se coucher sur ses genoux en-dessous des cardes qu’elle tenait d’avance. Des fois, les petits chats avaient envie de jouer. Elle leur disait : tenez-vous tranquilles, sinon, vous allez vous en aller.

Après le filage, il fallait la doubler pour la retordre au rouet; ensuite, elle était prête pour le tricot, soit de bas, des mitaines et même des gilets. Un autre travail important à souligner : lorsque ces tricots étaient trop brisés, il faillait les défaire, les tailler en bandes d’à peu près un pouce de large. Il fallait défaire brin par brin. Quand il y en avait assez pour que cela vaille la peine, il fallait la barater. Je ne me souviens plus de quelle façon; tout ce dont je me rappelle, c’est qu’une fois qu’elle était à point, il fallait «l’écarder» à la main. Vous aurez dû voir : c’était un travail assez dur. Une fois filée, c’était prêt pour le métier à tisser pour ensuite faire des couvertes pour l’hiver. Voyez-vous tout le travail que ça donnait pour en arriver à faire ces couvertes. Aujourd’hui, les gens n’ont qu’à se rendre dans les magasins, le portefeuille rempli d’argent pour en repartir avec des belles couvertes soyeuses. Les temps ont changé. On n’avait pas le temps de s’ennuyer! La vie était belle car on ne connaissait pas mieux.

Tout au long de mes écrits, je ne vous ai pas parlé de ma vie sentimentale. Pourtant, j’en ai une autre comme tout le monde. À 18 ans, j’ai aimé quelqu’un, je pourrais dire presqu’à la folie. Il m’a abandonné pour du placotage de bonnes femmes, dans le but de faire tord à nos amours. Après, il a regretté son geste, mais il fallait que je lui en parle la première. J’avais dit à une de ses sœurs « ce n’est pas moi qui l’a abandonné; c’est à lui de corriger son erreur car moi, de ma part, je ne l’aurais jamais abandonné ». Lui, trop orgueilleux pour me dire la raison, et moi, trop tue de mon côté. Ce qui fait que cela est resté comme cela. Après, j’ai eu l’occasion de rencontrer quelqu’un que j’ai aimé un peu, mais encore là, c’est lui qui m’a laissé en disant que j’étais trop bonne fille pour lui pour avoir été trop fidèle. En revenant, un samedi soir, là où j’avais été passé quelque temps chez une de mes sœurs, en attendant, le train c’était arrêté à Lévis et en entrant, un des travailleurs (c’est son regard qui m’a surpris) qui est venu direct à mon banc. J’étais seule et il m’a demandé la permission de s’asseoir près de moi. Je lui ai dit « oui ». il m’a parlé et il voulait que l’on corresponde pour l’hiver. Il demeurait à Montmagny. J’ai refusé. J’avais toujours entendu dire qu’il ne fallait jamais courir deux lièvres à la fois. Puisque j’avais l’ami dont je vous ai parlé plus haut. En me quittant, celui de la rencontre sur le train m’a dit : « vous êtes une bonne fille. Un petit conseil : s.v.p., restez-y, de nos jours, elles sont tellement rares ». Après, j’en ai eu des petits courts;  voilà, en résumé, ma vie. Peut-être pas bien intéressante, mais pour moi tout a été pour le mieux car j’aimais trop ma maman pour la quitter.

Mais, revenons un peu en arrière. Lorsqu’on restait au 6 e rang, nous n’étions pas loin du Moulin à scie des Ouellet. Un matin du 14 février – je me souviens plus en quelle année, le moulin a passé au feu. Comme de chez-nous on voyait la fumée s’échapper, on ne savait pas qu’est-ce qui brûlait. Moi, j’ai chaussé des raquettes et je suis partie au travers des champs. À cette époque, la neige était à pleine clôture. Rendue à une certaine distance, j’ai aperçu que c’était le moulin qui brûlait. C’était le vieux moulin. La flamme sortait par toutes les fenêtres. C’était triste à voir. Je me suis retournée pour dire à maman qu’est-ce qui brûlait. Quant à moi, j’avais eu un gros mal de jambes pour avoir été un peu vite sur mes raquettes. Ils l’ont rebâti et le deuxième à brûlé une seconde fois. Je ne me souviens plus à quelle date. Ils ont été courageux pour traverser ces deux épreuves avec l’aide des gens qui ont bien voulu leur porter secours. Car ce moulin était utile à tout le monde. Plusieurs personnes y travaillaient là également.

Je retourne encore une fois au temps de l’école. On avait une maîtresse qui était douce. Au rang 5, il y en avait une féroce. Elles étaient de la même paroisse que la nôtre. Par conséquent, elles se connaissaient très bien. «Vous allez voir : vous allez vous faire dompter». Elle leur avait dit : «tout ceux qui feront les malcommodes ou qui ne sauront pas leurs leçons, je vous garderai après la classe » et c’est ce qu’elle fit. Pour moi, c’était dangereux que je soit du nombre. Je savais toujours mes leçons; j’avais bien trop peur de me faire disputer. En tout cas, ce soir là, il en avait resté quelques-uns. En sortant de l’école, on avait rencontré la « criquette » – c’était comme cela qu’ils appelaient. Elle venait aider notre maîtresse pour dompter ses élèves. Je ne sais pas trop qu’est-ce qui s’est passé. Toujours est-il qu’un des élèves c’était senti trop chauffé. Il a sauté par une fenêtre qui était ouverte. Elle a eu beau crier « reviens », l’écolier s’était enfui. Le lendemain matin, il arrive à la maison. C’était juste notre voisin; il vient lui montrer ces mains : « Regardes, M. L’italien, mes jointures sont toutes enflées. C’était la Criquette qui lui avait donné un ramasse. Le père du petit garçon ne l’a pas blâmé; au contraire, le monsieur avait dit « si je voulais, je lui en ferais coûter. Elle n’avait pas le droit de changer de classe pour venir battre les élèves d’une autre maîtresse ». Aujourd’hui, cela ne se passerait pas comme cela. Avec leur « mardi » règle en bois plané.

Une autre fois, par la même maîtresse, pauvre petit gars, ce n’était pas de sa faute. Il n’avait pas de talent. Une bonne fois, elle nous faisait venir en rangs afin de réciter nos leçons. Ce petit garçon, comme toujours, ne savait pas ses leçons. Elle ramasse sa grosse règle et se met à le frapper sur les mains. À un moment donné, le petit gars a pensé de s’en clairer en se mettant les mains sur la tête. Mais lorsqu’il a vu qu’elle continuait à le battre il s’est retiré les mains et coups a parti sur la tête. Le sang est sorti; ça coulait le long de sa joue. Je vous assure qu’elle est venue pâle et ça été fini. Elle ne parlait pas fort pour le reste de la journée.

J’ai maintenant, une autre petite anecdote, joyeux celui-là, mais avec l’autre maitresse dont je vous ai parlé plus haut. Un midi, la maitresse pensionnait chez les Ouellet du moulin. On était resté à dîner à l’école comme d’habitude, lorsqu’il faisait mauvais. Il dit, tout d’un coup, « parlez pas, mademoiselle s’en vient. Je vais lui faire faire un saut ». Il prend un épingle et va s’installer dans la tribune, à l’endroit où elle se mettait les jambes. Et mon petit bonhomme se cache. Lorsqu’elle arrive, s’assoit et allonge ses jambes, il ne perd pas de temps, lui pique une jambe avec son épingle. Elle a lâché un cri mais ne s’est pas fâché; elle s’est mise à rire. En somme, c’était plutôt cocasse d’avoir eue cette idée. C’est à peu près tout ce que j’ai à raconter de ce qui se passait à l’école dans le temps.

Bon. Autre chose qui ne regarde pas les écoliers. C’est de l’ouvrage que j’avais oublié de souligner en même temps que d’autres travaux. L’hiver, lorsque venait le temps du bûchage du bois de chauffage. Lorsqu’il se trouvait un arbre bon pour le commerce, il le découpait soit en 3 ou 4 pieds . Ils appelaient cela faire du « rough ». Au printemps, lorsqu’il n’y avait pas de sève, il fallait le plumer avec une pleine. Vous avez, sans doute, vu ce petit outil avec deux manches reliés au milieu par un couteau. C’était plus dur à faire que de plumer à la sève. À ce moment on faisait une entaille pour ensuite décoller la peau au moyen d’un « spot » (spud). Je ne connais pas d’autre nom pour ce petit outil. Mon père avait un lot à bois le long de la Route à Picard à environ 2 milles de notre chez-nous. C’est là que la plupart du bois de pulpe se faisait. Il avait aussi une petite maison et une petite « range »; il y avait un morceau de terre faite. On faisait le foin et on l’engrangeait là. L’hiver, lorsque mon frère venait sortir son bois de pulpe, le long de la route avec les chevaux, il en sortait aussi pour les autres; je ne me souviens pas combien ça donnait la corde.

Revenons encore une fois en arrière. Tout se passait en 1925, le 28 février au soir qui se trouvait un samedi. Vers 9 heures, la terre s’était mise à trembler assez fort. Ma sœur et moi, nous étions couchées mais on ne dormait pas encore. On a trouvé cela drôle : notre lit branlait. Après on s’est endormi. On n’a pas eu connaissance de rien du reste de la nuit. La terre tremblait à toutes les 15 à 20 minutes, mais moins fort que la première fois. Je me rappelle que toute la famille avait très peur. Le lendemain matin, on avait une deuxième étable; il fallait aller soigner les animaux qui se trouvaient là. Il y avait un chemin – on passait au travers le champ. Je me rappelle que la neige était toute craquelée; la neige était à pleine clôture. Plusieurs, vu que c’était un dimanche le lendemain, étaient allés à confesse. Si je n’ai pas eu peur sur le moment, le soir, des veilleux venaient et ils ne parlaient que de ça. Là, la peur m’a prise. Je ne voulais plus monter me coucher; il fallait qu’une de mes grandes sœurs vienne avec moi jusqu’à ce que je sois endormie.

Bon. À la fin juin 1927, un événement qui vaut la peine d’être souligné. Voilà les bâtisses étaient vis-à-vis de Marcellin Michaud, et, pour sortir il fallait passer sur la terre de deux voisins. Tant que leur frère était voisin de nous, il n’y a pas eu de problèmes. Mais lorsque papa a acheté la terre de ce frère, c’est là que la trouble a commencé. Ils ne voulaient plus nous laisser passer, et, à l’automne, la grange du plus près de la route à passer au feu. Il a fallu qu’il la rebâtisse et avec intention, l’a fait construire plus près du chemin. Quelqu’un lui a dit : « tu vas boucher la montée de M. L’Italien ». il lui a fait pour réponse : « L’Italien fera le tour ». Le 2 e voisin, pas plus fin, bouchait les passages avec de la broche. Mon frère dit : « on va déménager nos bâtisses au 6 e , sur le chemin; de cette manière, ils ne pourront plus nous arrêter. Quel été de misère, celui de l’été 1927. Il fallait débroussailler un chemin afin que les bâtisses aient de la place à passer. Après, on a demandé à M. Bérubé de St-Alexandre de venir avec son cabestan pour tirer les bâtisses. La maison en premier et on a pu y demeurer tout le temps du déménagement.

Tous les soirs, mon frère allait pour demande des hommes en corvée. Les gens ont été gentils; pas un a refusé de donner une journée. M. Michaud a payé un homme 4 jours pour ce travail. Les gens disaient « parce qu’ils étaient contents de nous voir partir ». Ce n’était pas cela; ils ne pensaient pas que l’on déménagerait. Mon oncle Isidore Charest, le père d’Isidore, est venu pour tout le temps du déménagement, soit 10 jours. M. Bérubé chargeait 10,00$ par jour. Ce n’était pas tout. Il fallait creuser la cave pour la maison. Il avait engagé un homme pour aider à 1.50$ par jour. C’était un très bon travaillant. C’était le mari de Mme Joseph-Émile Soucy.

Faire le solage, faire le plancher de ciment pour l’étable – ce n’est pas disable tout le travail que cela a donné. Il y avait deux de mes sœurs qui étaient à la maison pour aider à maman pour nourrir tous ces hommes.

Rendu à l’automne, il a bien fallu les animaux. Ces pauvres bêtes, ils ne savaient pas ce que cela voulait dire; rendus à la porte de l’étable, ils retournaient de bord en courant, la queue sur le dos pour se rendre à leur ancienne étable. Ce qu’on a pu courir après ces pauvres bêtes! Après qu’on a pu les faire rentrer, c’était beau à voir : le plancher de ciment était blanc avec des beaux carcans neufs, une belle boîte à eau pour 2 vaches. Cet automne là, elles n’ont pas ressorties dehors.

Tous droits réservés – Municipalité de Saint-Joseph-de-Kamouraska